Dans le bâtiment flambant neuf du Cardo, Yann Basire, directeur du Centre d’études internationales de la propriété intellectuelle (Ceipi), revient sur l’histoire du centre, ses objectifs, son organisation et ses projets. Avec une idée en tête : rester au cœur des préoccupations des métiers de la propriété intellectuelle.
Qu’est-ce que le Ceipi ?
Le Centre d’études internationales de la propriété intellectuelle est une composante de l’Université de Strasbourg. Nous comptons une petite trentaine d’agents administratifs, trois maîtres de conférences statutaires, un professeur des universités, quelques professeurs associés et un maître de conférences contractuel. Nous accueillons 2 500 étudiants, dont la plupart sont en formation continue et qui viennent de toute l’Europe. Le Ceipi est entièrement dédié à la propriété intellectuelle : brevets, marques, dessins et modèles, droits d’auteur, management de la propriété intellectuelle, transfert de technologie… C’est une référence dans le monde de la propriété intellectuelle, tant en France qu’en Europe et dans le monde. Tous les acteurs de la propriété intellectuelle sont représentés au sein de notre conseil d’administration : nous sommes au cœur des préoccupations de la profession.
Quel est l’enjeu de la propriété intellectuelle ?
Il est majeur. La propriété intellectuelle est incontournable. Il suffit de regarder quelques chiffres pour s’en convaincre : la contribution des secteurs qui font un usage « intensif » des droits de propriété intellectuelle est estimée à 45 % du PIB de l’Union européenne et génère près de 29 % des emplois. Les actifs les plus importants des grandes entreprises sont les brevets ou les marques. La propriété intellectuelle est par ailleurs au centre des tensions pouvant exister entre les États-Unis et la Chine. C’est également un sujet essentiel des différents traités de libre-échange, tel que le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement). Enfin, la problématique de la propriété intellectuelle est tout aussi importante lorsqu’il s’agit d’envisager les questions liées au développement durable.
Le Ceipi est-il unique en son genre en France ?
Oui. Le Ceipi est unique en son genre, en ce qu’il est la seule composante d’une université dédiée à la propriété intellectuelle. Il offre par ailleurs la seule formation permettant de devenir conseil en propriété industrielle, mention brevets. En raison de notre large éventail de formations, nous sommes toutefois soumis à la concurrence, tant française qu’européenne. A titre d’exemple, il existe vingt-cinq M2 en propriété intellectuelle ou assimilés répartis dans les universités françaises. Quoi qu’il en soit, le Ceipi est une « marque », dont la renommée permet d’attirer des étudiants de toute la France, mais aussi du monde entier.
Quel est le sens de votre nouvelle installation au Cardo ?
Avec cette implantation au cœur de la ville, dans un bâtiment très moderne, le Ceipi entre de plain-pied dans le 21e siècle. Par ailleurs, l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi) et l’Institut européen entreprise et propriété intellectuelle (I2EPI)* vont bientôt nous rejoindre : les trois acteurs de la propriété intellectuelle à Strasbourg se retrouvent ensemble. La proximité avec Sciences Po et l’Institut de préparation à l’administration générale (Ipag) est également très stimulante.
Pouvez-vous présenter les trois sections du Ceipi ?
La section française héberge les diplômes d’Etat : quatre masters 2 (M2) en formation initiale, deux en formation continue. Les masters de formation initiale accueillent des étudiants en droit de toute la France. Nous avons le projet de les fusionner afin de leur donner plus de visibilité. En formation continue, notre M2 en management de la propriété industrielle est dirigé par Alexander Würzer, une sommité mondiale dans son domaine : des personnes viennent d’Asie ou du Moyen-Orient afin de suivre cette formation. Nous proposons également des Diplômes universitaires (DU), par exemple en intelligence artificielle et propriété intellectuelle : c’est le premier du genre dans le monde. Le brevet européen constitue le socle de la section internationale : il s’agit de former les futurs mandataires européens et de les préparer à l’examen de qualification. Enfin, avec notre section recherche, nous organisons des conférences, des évènements, des publications et nous répondons à des appels à projets.
Vous êtes élu à la tête du Ceipi depuis septembre 2019 : comment s’est passée cette première année ?
L’année a été compliquée par deux crises majeures : d’abord les grèves SNCF, qui ont largement perturbé notre organisation, puisque 90 % de nos enseignements sont assurés par des intervenants extérieurs, et puis le confinement pendant le printemps. Nous avons fait face à la crise sanitaire en réalisant 700 heures de cours à distance. Nous avons aussi organisé des colloques à distance ou des webinars, dont l’un a réuni plus de 1 000 personnes, avec des participants originaires du monde entier.
Quels sont les axes stratégiques de votre mandat de cinq ans ?
Le Ceipi doit poursuivre dans la voie de l’excellence. En matière de formation, je veux que nous soyons à l’écoute des besoins des praticiens. Nous devrons également prendre le virage de l’enseignement à distance, qui peut être un complément de certaines formations présentielles. Pour autant, il ne s’agit pas d’un substitut parfait. Un équilibre devra être trouvé. Il est par ailleurs impérieux que nous formions de futurs universitaires. Le Ceipi doit être reconnu comme une école de pensée en mesure de former de futurs docteurs qui puissent devenir à l’avenir maîtres de conférences ou professeurs d’université.
Propos recueillis par Jean de Miscault
* Structures hors Unistra
Article et photographie réalisés en juin 2020, avant l'entrée en vigueur du port du masque obligatoire